Le Cycle
Disclaimer: Les personnages de Berubara
ne sont bien sur pas a moi, mais les autres (Julien, Emilie, Martine et
Ludivine) sont a moi.
Note: C'est une histoire assez différente
de ce que j'écris d'habitude. Cela avait commencé comme
une conclusion a "Patience", et puis, comme ca semblait de plus en
plus bizarre et que je ne pouvais pas m'arrêter en si bon chemin,
j'ai décidé d'en faire une petite histoire étrange
mais a part-entière. Je me demande encore comment j'ai bien
pu penser a tout ca...
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Cette année 1865 s'annonçait
déjà fort prospère pour Julien Remison. Sorti,
l'année précédente, premier du Cours Préparatoire
de Chirurgie, il bénissait la bonne étoile qui l'avait fait
naître a la bonne époque, et qui lui permettait, a lui, pauvre
fils de fermiers du Gers, de poursuivre ses études a Paris en vue
d'une carrière qui s'annonçait d'emblée prestigieuse.
Il avait rejoint le mouvement
liberaliste et se montrait très loyal envers cet Empereur qui avait
l'air de vouloir "libérer la France" de ses formalités et
inégalités qui avaient réussies a survivre les nombreux
changements de Régimes intervenus jusque la.
Pour l'instant, la France voyait
d'un oeil bon-enfant ces reformes libérales bienvenues et Julien
se disait que, lorsqu'a n'en pas douter, il serait une pointure du monde
médical, il pourrait de lui-même organiser son propre syndicat
et ainsi passer de la Chirurgie a la Politique...
Du moins c'étaient les
rêves d'un jeune-homme de Dix-Neuf ans, plein d'espoir dans son unique
costume noir élimé, qui ne pouvait guère s'évader
de cette chambre d'études qu'il avait réussi a louer dans
une vieille demeure de l'ancien Régime, aux alentours de Versailles.
La seule ombre au tableau semblait
être Emilie. Il avait rencontre celle qui serait toujours sa
bien-aimée alors qu'il se pressait, sur sa vieille jument noire,
a rentrer chez lui un soir. Ses horaires étaient difficiles,
et la distance de Paris importante, mais il se disait que sa pratique de
Chirurgie se ferait a Versailles l'année suivante, et qu'alors il
n'y aurait qu'un pas. De plus, il lui fallait de la place pour son
équipement et ses livres, il préférait la campagne
a l'agitation parisienne. Enfin, la chambre, calme et spacieuse,
était aussi très bon marche.
On a beau étudier la
médecine, on n'est pas non plus aveugle a une bonne affaire commerciale.
Il avait remis l'argent de la
caution a un notaire, et il faisait de même chaque mois pour son
loyer. Il n'avait jamais vu le propriétaire ni ne connaissait
son nom. Cela faisait partie des arrangements et, a en juger par
le prix, cela en valait la peine.
Cette demeure, ce château,
plutôt, qui avait du être majestueux en son temps, semblait
a présent quelque peu décrépi et, des que la nuit
commençait a tomber, tout-a-fait lugubre.
C'était pour cette raison
que Julien se pressait, ce soir-la, a rentrer dans sa chambre avant la
fin du jour. Lorsque la vieille jument fit un écart, il remarqua
alors la frêle jeune fille, projetée a terre, qu'il avait
failli renverser.
Celle-ci ne se relevait pas.
Julien mit pied-a-terre et s'empressa de retourner la mince forme perdue
dans une modeste crinoline pastel. Lorsqu'il repoussa la chevelure
abondante et noire de la jeune fille, il aperçut alors le plus beau
visage qu'il n'avait encore vu: la peau était délicate
et blanche, sa bouche rosée comme un fruit mur et ses yeux!
Des émeraudes étincelantes. Pourtant, étant
presque médecin, il ne pouvait s'empêcher de remarquer que
ce teint très pale tenait beaucoup de la fatigue et de la privation.
Ces yeux magiques le regardait avec une étrange intensité
et il se sentait déjà perdu.
C'est ainsi qu'il prit sa décision.
La prenant fermement dans ses bras (elle se débattait a peine),
il la déposa sur le dos de sa fidèle Câline.
La jument, de très bonne nature, ne broncha pas lorsqu'il monta,
lui aussi, et prit la direction du château.
"- Vous habitez au château
Jarjayes." Fit une voix cristalline.
C'était la première
fois que Julien entendait sa voix. Elle semblait venue d'ailleurs.
Très pure, très douce. Etait-elle un peu triste?
"- Je ne connaissais même
pas le nom de cet endroit, je dois avouer. Il n'était sur
aucun document et personne dans la région n'a pu ou voulu me donner
de détail. Vous êtes de la région, je suppose?
- Je suis d'ici et d'ailleurs,
fit-elle de la même voix claire. J'ai beaucoup voyage...
Mais je connais très bien cet endroit. Il était magnifique
autrefois."
Et elle ne parla plus.
Julien la guida jusqu'a sa chambre, tout en haut des escaliers sombres,
puis il repartit s'occuper de Câline. Les autres habitants
de la demeure devaient être présent, car tout était
propre et en place. Mais, come d'habitude, il ne vit rien ni n'entendit
personne.
Il monta un bol de soupe chaude
a la jeune fille. Elle avait l'air d'avoir grand faim et d'être
éreintée. Elle but d'un trait le liquide épais,
puis alla s'asseoir sur le lit. Ses traits semblaient plus fins et
plus beaux encore, et ses yeux brillaient comme des étoiles.
Julien, hypnotise par ce regard, vint la rejoindre sur le lit. Elle
ne bougea pas.
"- Cette chambre, dit-elle de
sa voix de cristal, c'est une chambre de domestique. Mais les domestiques
étaient bien traites ici. Et c'était la chambre
de quelqu'un de très spécial."
Julien avait pris sa main dans
la sienne, tout en écoutant avec intérêt ces propos.
Sa main était glacée.
"- Il y a eu beaucoup de souffrance
dans cette chambre... beaucoup de joie, aussi!..."
A ces mots, la jeune fille semblait
presque transfigurée. Le premier sourire, aussi doux que l'aurore,
venait de se poser sur ses lèvres myrtille. Comme Julien brûlait
d'y poser un baiser...
Mais, alors qu'il se tournait
lentement vers le visage de celle qui venait de lui voler son coeur, celle-ci
se redressa soudainement.
Elle se dirigea vers un coin
sombre de la large pièce et s'accroupit. Julien se demanda
ce qu'elle fabriquait lorsqu'il entendit le léger grattement de
ses ongles délicats contre le mur. Il se leva a son tour et
se rapprocha d'elle. Le mur ne semblait pas être de pierre
a cet endroit précis, mais on ne pouvait le voir.
Comment l'avait-elle su?
Et comment savait-elle tant de choses sur cet endroit? Il ne pouvait
le dire. Elle lui avait a peine parle et pourtant, il était
déjà envoûté.
Finalement, elle délogea
de la cavité une petite boite de métal d'aspect modeste.
Elle la déposa sur la table d'études et ce fut Julien qui,
presque en tremblant, souleva doucement le couvercle. La boite était
vide, a part un petit médaillon. Jugeant par la délicatesse
et les détails nombreux du bijou, il avait du coûter une fortune.
De l'or, a n'en pas douter.
Tremblant visiblement cette
fois, Julien prit l'objet dans ses mains.
Comme ses doigts, pourtant fins
et habiles lors d'une opération chirurgicale, lui paraissaient maintenant
grossiers et patauds autour de cette merveille étincelant malgré
son âge.
Il y avait une charnière,
aussi Julien entreprit-il d'ouvrir le précieux bijou avec délicatesse.
Le médaillon s'ouvrit
sans peine, et un objet brillant s'échappa pour rouler sur la table.
D'un geste, Emilie étendit le bras pour récupérer
l'objet en fuite. C'était un anneau simple d'or blanc.
Elle le passa au doigt et constata d'un air content qu'il lui allait parfaitement.
Julien la regardait intensément,
lorsqu'elle retira l'anneau et le lui tendit. Il jeta un oeil et
remarqua une estampe discrète a l'intérieur de l'anneau.
C'était une fleur. Plus particulièrement, une rose.
Emilie le regardait maintenant
avec un air préoccupé:
"- C'est pour ne jamais oublier,
murmura-t-elle a son oreille, promets-moi que tu n'oublieras pas.
C'est grâce a eux que tu es la. Tu sais qui ils sont... ou
tu le sauras bientôt. Cela changera ta vie!"
Julien eut alors très
peur. Elle avait dit cela avec tant de passion, et elle était
tout contre lui, et il ne sentait aucune chaleur. Elle ne bougeait
pas... Pris d'effroi, il courut vers la porte, la bague et le médaillon
toujours en main. Il s'enfuit et dévala l'escalier.
Il arrêta sa folle course au bas des marches et regarda vers le haut:
il aperçut alors une vague lumière dans la chambre voisine,
celle qui devait jadis appartenir a l'un des tenants du Titre de cette
demeure.
Il remonta les escaliers et
essaya d'ouvrir cette porte. En vain. Elle était verrouillée,
et tout était sombre a présent.
Il revint a petits pas vers
sa chambre et poussa la porte. Pas l'ombre d'une trace de la jeune
femme. N'avait-il pas remarque qu'elle était sortie elle-aussi,
ou etait-il trop effraye pour raisonner sereinement?
Il s'assit alors a son bureau
et déposa l'anneau dans la boite qui, elle, se trouvait toujours
sur la table, et décida d'inspecter l'intérieur du médaillon
qu'il tenait toujours serre dans son poing.
Il s'agissait de deux portraits
d'une finesse exquise. Cela avait du coûter au malheureux domestique
une éternité de gages. Fallait-il que cela en vaille
la peine!
Le portrait de gauche représentait
une femme d'une droiture évidente, des yeux d'azur et des cheveux
de feu, marquée par la noblesse de caractère. Le teint
blanc et les traits d'une finesse rare. En face (et Julien se mit
a imaginer comment cette image se plaisait a embrasser sa belle chaque
fois que l'on fermait le médaillon) se trouvait le portrait d'un
homme aux boucles d'ébène, a l'air doux, intelligent et décidé.
Avec des yeux d'émeraude.
Cette découverte l'abasourdit.
Julien continua a regarder les deux portraits... la peau si blanche
et les traits si pur, l'émeraude brillant du regard...
Soudain, Julien courut s'effondrer
sur son lit. Grelottant, il s'allongea sous les couvertures tout
habille et finalement, les yeux grand-ouverts, ne bougea pas jusqu'a l'aurore.
******
1903
Martine Lemercier s'était
levée de fort mauvaise humeur ce matin-la. La nuit dernière,
ce bon-a-rien d'Hubert était encore rentre saoul, et elle avait
du réparer les dégâts. Maintenant, elle avait
du se lever très tôt pour s'occuper de la petite Ludivine.
Depuis qu'elle travaillait comme
gouvernante, elle en venait a préférer ce foyer "adoptif"
au sien et a ce mari qui ne revenait que quelques fois par semaine a la
maison pour cuver son vin, et buvait ses gages de l'usine au trinquet ou
il passait d'ailleurs beaucoup plus de temps...
"- Peut-être qu'ils vont
commencer a lui demander un loyer!" pensa-t-elle. Et ceci lui arracha
un sourire.
Elle se promenait donc de bon
matin avec Ludivine, près des Jardins Royaux. Versailles s'était
beaucoup développé avec l'âge industriel, mais on avait
garde intact la majesté des bâtiments et des jardins.
Se promenant ainsi au milieu
des allées précieuses, pour un bref instant la brave Martine
se sentait une Reine. Elle était de bien meilleure humeur
lorsqu'elle tira la petite vers la rue Tibault ou elle achetait son journal
quotidien.
Son regard fut attire par un
gros titre, accompagné d'une photographie de grande taille:
"Le célèbre chirurgien
Remison vient d'ouvrir le Château de Jarjayes au grand public"
Le domaine, acheté il
y avait bien longtemps a prix fort par le célèbre Médecin
a la retraite, avait été restaure dans le plus grand secret,
par cet homme très étrange, qui, malgré toutes les
offres, ne s'était jamais marie et, apparemment, ne semblait penser
qu'à l'histoire de cette demeure.
On voyait sur l'illustration
un grand homme aux favoris grisonnants devant un grand escalier au sommet
duquel trônait le magnifique portrait d'une jeune guerrière
blonde a la noble figure. L'homme portait un singulier médaillon
d'or ouvrage qui semblait étinceler malgré le manque de lumière.
"- Et bien, Ludivine, fit Martine,
rêveuse, ca te dirait de visiter ce château?"
Et elle se baissa pour ajuster
le chapeau de la petite fille au teint si blanc et aux yeux si verts.
Fin
Berusaiyu no Bara; Lady Oscar: All Rights Reserved Ikeda Productions 1972-1973, Tokyo Movie Shinsha Co. 1979-1980.
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